L'économie circulaire et l'urban mining en pratique au quotidien
Les retraitants Recupel recyclent de façon écologique. Où se situe précisément la différence avec les autres retraitants, qui n'opèrent pas de façon éco-responsable ?
"Le recyclage n'est-il pas d'office écologique ?"
Pas nécessairement. Songez ainsi à la situation catastrophique des pays du tiers monde: on y voit des gens démanteler sans la moindre protection des équipement électroniques dans des décharges où sont également déversés des déchets nocifs …
"Ce qui compte avant tout pour nous, c'est notre engagement à recycler à tout moment en recourant aux techniques les plus poussées et dans le respect de l'homme et de la nature. Comment trier et recycler les différents matériaux sans nuire à la nature? Comment atteindre dans ce cadre le taux de recyclage le plus élevé possible? Il s'agit pour nous de questions-clés. Nous misons fortement ici sur la dépollution manuelle."
De quoi s'agit-il ?
"Nous éliminons les substances nocives dans tout appareil mis au rebut et le démontons manuellement si nécessaire. Avec 2 avantages à la clé : nous obtenons un pourcentage de recyclage élevé et nous gardons aussi la maîtrise sur ce qui est fait des différents éléments des appareils."
Dans quelles proportions l'appareil est recyclé ?
"Nous faisons mieux que les normes qui nous sont prescrites. Le taux de recyclage est donc très élevé."

Lors du traitement, il arrive que des substances nocives soient libérées. Comment garantir la sécurité de vos travailleurs ?
"Ils bénéficient tout d'abord d'une excellente formation, qui leur permet d'identifier les produits potentiellement dangereux et de savoir qu'en faire. Et nous répétons ces formations en permanence, car le flux de biens mis au rebut que nous traitons évolue constamment. Nous leur fournissons de surcroît des moyens de protection tels que gants, masques, lunettes, protections auditives, … Et nous prévoyons dans les unités de traitement des systèmes d'aspiration et de dépoussiérage suffisants. Les produits potentiellement dangereux sont extraits du flux et traités séparément."
Un exemple ?
"Prenons les condensateurs. Nos employés savent dans quels appareils ils ont de bonnes chances de les trouver. Ils extraient ces appareils du flux de biens mis au rebut et éliminent le condensateur. Celui-ci est confié à un retraitant agréé, cependant que le reste de l'appareil est réintroduit dans la chaîne de recyclage.
D'autres appareils tels que les FPD (flat panel displays ou écrans plats), par exemple, sont traités au sein d'un circuit distinct et fermé, au sein duquel les substances nocives sont captées."

Les techniques de tri et de recyclage ont-elles évolué ?
"L'une des évolutions récentes dont nous sommes particulièrement fiers concerne le développement de notre ligne fine. Au départ d'e-waste (déchets d'équipements électr(oni-ques) déchiqueté, nous séparons les métaux ferreux, les métaux non-ferreux, les plastiques et autres matériaux non métalliques. Grâce à notre ligne fine, nous pouvons désormais le faire même pour des particules minuscules et ce jusqu'à 0,4mm. Notre taux de recyclage total augmente donc, cependant que nous récupérons davantage encore de matières premières."
"Ajoutez à cela que nous nous investissons depuis des années dans le traitement des plastiques issus notamment de l'e-waste. Grâce à notre R&D permanent, nous sommes désormais leader dans le recyclage des plastiques via notre département spécialisé Galloo Plastics. De nombreux plastiques provenant d'appareils électro mis au rebut retournent à l'industrie du plastique sous forme de granulats. On les retrouvera souvent dans la production de nouveaux appareils électro. Un bel exemple de production circulaire."
Pourriez-vous nous donner des exemples du chemin parcouru par ces vieux appareils, du moment où ils vous arrivent jusqu'au moment où ils sont déchiquetés et repartent après traitement ?
"Assurément. Prenons par exemple un fer à repasser. Comme tous les petits appareils ménagers, il passera d'abord entre les mains de l'un de nos dépollueurs. Celui-ci s'assurera qu'il ne contient pas de substance nocive. Si ce n'est pas le cas, il éliminera les câbles éventuels pour traitement ultérieur. L'appareil suivra ensuite le processus de recyclage classique. Il passera d'abord dans le déchiqueteur et sera ainsi moulu en toutes petites fractions. Des aimants vont ensuite séparer dans cet amas de matériaux déchiquetés les métaux ferreux du reste. Au cours des étapes suivantes, nous séparerons de cet amas les métaux non-ferreux, les plastiques et les autres non-métaux. Ces processus de tri successif nous permettent d'extraire des appareils traités plus de 85% de matériaux ou matières premières utilisables et pouvant être valorisés (combustion contrôlée avec récupération de chaleur ou d'énergie)."
"Les petits matériaux ICT suivront la même procédure qu'un fer à repasser, mais au cours du processus de dépollution, nous éliminerons par ex. les toners et rubans encreurs. S'il s'agit d'un appareil multifonctions, nous mettrons de côté les lampes servant à scanner ou à photocopier. Pour les appareils sans fil, nous retirerons la batterie. Tous les appareils suivent ensuite le processus de recyclage normal."
A l'arrivée, vous livrez des particules ou 'granulats' à des producteurs. La Belgique compte-t-elle des producteurs qui en ont l'utilité ?
"Tout à fait. Arcelor Mittal (acier) et Umicore (granulats de cuivre/métaux précieux) sont dans ce cadre 2 acteurs de premier plan."

Nous arrivons désormais à séparer des particules ne dépassant pas 0,4mm au départ de déchets électro. Ce qui nous permet de récupérer encore plus de matières premières."
L'économie circulaire est-elle l'avenir ou peut-on dire qu'elle fait d'ores et déjà partie de notre quotidien ?
"Certaines matières premières sont déjà quasi épuisées. L'exploitation et le traitement de ces matières premières requiert énormément d'énergie et produit beaucoup d'émissions et de déchets. Cela démontre qu'un mode de pensée circulaire est la seule façon d'avancer. Mais le processus nécessite beaucoup de réflexion, ainsi qu'une adaptation de nos modes de production et de notre rapport aux produits et aux matières premières."
"Pour ce qui est des plastiques issus des déchets életr(on)iques, nos processus se fondent parfaitement dans un modèle circulaire. Mais il faut parfois encore convaincre les producteurs d'utiliser des plastiques recyclés."
"Je ne sais pas si les gens réalisent à quel point nos ressources naturelles sont en passe d'être épuisées."
Le grand public réalise-t-il bien toute l'importance de l'e-cycling et de votre rôle dans ce cadre ? Vous sentez-vous apprécié à votre juste valeur ?
"Le grand public se montre en tout cas de plus en plus réceptif à l'idée. Mais je ne sais pas si les gens réalisent à quel point nos ressources naturelles sont en passe d'être épuisées. Ils n'ont pas non plus assez conscience des avantages qu'il y a à produire des matériaux recyclés."
A quoi est-ce dû ?
"C'est entre autres à des organismes tels que Recupel et les retraitants que la tâche revient d'en informer les gens. Si l'on y parvient, de nombreux matériaux mis au rebut pourront être récupérés et traités, alors qu'on les trouve encore aujourd'hui trop souvent dans un tiroir de la maison ou dans un coin sombre d'un local d'entreprise."
Communiquez-vous suffisamment à ce sujet ?
"Nous expliquons régulièrement dans les médias ce qu'il advient précisément des matériaux collectés correctement. Les gens aiment bien savoir pourquoi ils font les choses et les informations sur le recyclage que nous diffusons dans les médias nationaux et régionaux peut y aider. Nous collaborons ainsi, avec l'aide notamment de Recupel et de Cleantech Vlaanderen, à des reportages pour le journal télévisé, l'émission pour enfants Karrewiet et la chaîne Canal Z."
"De plus, nous accueillons chaque année de nombreux groupes dans le cadre d'une visite d'entreprise. Des écoliers, mais aussi des membres d'associations diverses ou de fédérations professionnelles, découvrent à cette occasion de leurs propres yeux comment le recyclage fonctionne précisément."
L'économie circulaire pourra-t-elle compenser l'épuisement des matières premières ? Comment voyez-vous l'avenir de l'e-cycling à court et long terme ?
"Difficile de dire si l'économie circulaire suffira à tout compenser. La population mondiale ne cesse de croître, tout comme le pourcentage de gens ayant accès à des accessoires électroniques, du simple ordinateur aux derniers gadgets en vogue. Ce qui est sûr, c'est que la demande de matières premières spécifiques continuera d'augmenter en proportion et que l'économie circulaire continuera dès lors de gagner en importance. L'urban mining est donc LA réponse à ces besoins croissants en matières premières."
Combien de personnes employez-vous pour le recyclage de l'électro ?
"130 en Flandre et 10 en Wallonie, tous provenant de l'économie sociale. Il s'agit donc de gens qui ont du mal à s'insérer sur le marché du travail traditionnel."